samedi 27 septembre 2014

Billet sur la valeur de l'espace!


C’est grand le Québec, dit-on! Je m’apprête à vivre l’une des expériences ultimes de l’étendue de notre territoire. Après avoir parcouru la très grande majorité des coins du Québec pour affaires, études ou pour le loisir, je m’embarque aujourd’hui pour les Îles-de-la-Madeleine! Particulièrement excité, car selon la bibliothèque familiale, après cinq générations, je suis le premier à retourner à l’endroit où se sont fixés mes ancêtres au retour du « Grand dérangement ». Toutefois, c’est à titre de développeur économique que ce cours voyage dans le golf du St-Laurent m’enthousiasme le plus. (Mon entrevue sur les ondes de CFIM)


Oui c’est grand le Québec, plus que la majorité d’entre nous (ruraux de la vallée du St-Laurent comme urbain) peut l’imaginer. Et pour moi c’est clairement une richesse. De tout temps les royaumes et autres états du monde  ne se sont-ils pas battus pour élargir leurs frontières à la recherche de ressources naturelles, de  nouvelles populations, de marchés pour l’économie métropolitaine, etc.  Et nous, Québécois du 21e siècle avons hérité de tout cela; un territoire vaste qui se conjugue en milliers de kilomètres.

En y repensant bien, avec l’état des finances publiques et la pyramide démographique qui s’inverse, est-ce devenu un problème? Au mieux un défi?

Mais quant est-il? Comment se faire une tête sur la valeur de cet actif collectif? Il y a, bien entendu, le fait que les secteurs agroalimentaire, de la forêt ou des mines sont des moteurs de l’économie de l’ensemble du Québec, mais encore!

À mon sens, ces espaces majestueux constituent à la base une partie, voire l’architecture ou l’ADN de notre identité collective québécoise. D’abord, l’idée que tout autour de nous est abondant, que la ressource est à portée de main nous a servis. Nous avons cultivé la terre pour nous nourrir et pour bâtir nos maisons, nos villes, puis les usines nécessaires à l’exploitation des ressources sont apparues et de là l’expertise à la racine du Québec Inc.  Mais au-delà de la ressource, il y a ces distances vertigineuses  qui ont concouru à bâtir la québécitude.

Pour beaucoup on se définit par rapport à l’autre et quand l’autre est loin cela a une influence sur la façon dont l’individu se définit. C’est la même réalité pour nos régions chez qui on a découvert certains traits et une identité territoriale forte. Concrètement, on retrouve cette réalité largement expliquée par le phénomène d’insularité. Au-delà de la lettre il s’agit de l’isolement, pendant un temps plus ou moins long, d’une communauté du reste de sa société d’appartenance au point où les insulaires en viennent à développer une perception d’eux-mêmes fortement teintée de leur relation de proximité avec l’environnement, par exemple. 
Ainsi, au 18e et 19e siècle, à une époque faite de temps longs, se sont développées la plupart de nos régions et certainement celles dont l’identité s’affirme avec le plus de vigueur. On imagine facilement l’épopée de nos amis Madelinots et Gaspésiens, mais il y a aussi, celle des Beaucerons, des Sagamiens et plus récemment nos compatriotes de l’Abitibi-Témiscamingue.

Aujourd’hui, évidemment, la distance ne se vit plus de la même façon, mais elle continue d’incarner ces particularismes régionaux qui demeurent fondamentalement importants et signifiants. Heureusement toutefois, pour l’entrée en scène des Québécois dans la modernité, le développement des modes de transport et des TIC a facilité l’interconnexion entre les différentes régions et les grands centres et permis de faire le pari d’un Québec moderne et ouvert sur le monde.

C’est voies de communication établies, nos décideurs, nos intellectuels, nos artistes, nos jeunes et nos entrepreneurs ont pu légitimement miser sur leur développement en puisant dans les énergies de leurs racines, en sachant que le monde leur était accessible sans pour autant se couper de leurs origines. Depuis, c’est autant de Dubuc, de Bouchard, de Lemaire, de Leclerc, de Dutils, etc., qui ont contribué au développement du Québec et à son rayonnement dans le monde. Il ne fait aucun doute pour moi que ce que les régions ont dans l’âme c’est-à-dire une relation à l’espace, au temps, au pouvoir, etc., contribue à rendre plus dynamique et plus prospère l’ensemble du Québec. 

Quand je retourne dans mes souvenirs, que je me rappelle mon grand-père agriculteur et forestier toute sa vie ou quand je pense à mon voisin toujours aussi actif sur ses terres à 80 ans et que je fais le parallèle avec ma propre vie aujourd’hui, je comprends mieux l’idée que l’espace et le temps n’ont pas la même signification en milieu rural et en milieu urbain. Pour mon grand-père le temps était long et circulaire. Il était rythmé par les saisons et l’idée que ce qui va mourir aujourd’hui pourra renaitre demain. Au bout du compte, ce qui était important était qu’à titre de seul maître de son environnement après Dieu, il avait la responsabilité d’entretenir le cycle. Mes amis Madelinots disent eux qu’ils ne regardent pas l’heure, ils regardent le temps.

À l’inverse pour ma part, j’ai l’impression que chaque minute compte. Qu’une heure dans le trafic, sur lequel je n’ai aucun contrôle, est une heure perdue à jamais. Que mon grand défi soit de gagner un temps qui ne m’appartient pas, voir que je doive le dérober à quelqu’un d’autre… Est-ce à cela que Sartre faisait référence quand il disait l’enfer c’est les autres?

Faut-il donc s’inquiéter de la diminution de l’accessibilité des services de transport[1]  reliant les régions les plus excentrées aux grands centres urbains? Ou du déploiement trop lent des communications Internet à large bande par rapport à l’évolution rapide de la planète internet, la nouvelle échelle de référence[2]? Certainement! Collectivement on ne peut considérer qu’une partie du Québec soit davantage ouverte sur le monde qu’une autre! Nous avons tous l’obligation de nous comparer aux meilleurs...fussent-ils à l’autre bout du monde.

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Par ailleurs, aujourd’hui plus que jamais, on ne peut imaginer ou faire l’économie d’une région n’assumant pas son plein potentiel au bénéfice de sa propre population d’abord, mais aussi pour l’ensemble du Québec. Cependant, la situation économique suggère que nous ne pouvons pas nous contenter de solutions faciles du genre tout au marché, tout à l’État ou tout au citoyen. Généralement, ni l’un ni l’autre n’a les moyens d’assumer seul le maintien des régions dans la chaîne de création de valeur. L’heure est à la responsabilisation de tous en faisant preuve de ténacité et de créativité; deux qualités dont les ruraux sont bien pourvus!

vendredi 12 septembre 2014

Billet sur l'emploi en région

L’emploi en région, du concret!

Aujourd’hui encore il est vrai de dire que les ressources naturelles ou plus largement le secteur primaire conditionne et rythme le marché de l’emploi dans l’ensemble des régions du Québec. L’agriculture est omniprésente dans la vallée du Saint-Laurent et les secteurs de la forêt et des mines génèrent un nombre important d’emplois au nord du fleuve. Dans les deux cas et dans bien d’autres secteurs qui y sont apparentés, on croise des gens que l’on pourrait qualifier de pragmatiques parce que leur emploi s’appuie sur du concret. Ce constat peut paraitre sans intérêt, simpliste même, mais dans un monde où l’instrumentalisation et la spéculation sont devenues les axes du bonheur, de replonger les mains dans la terre ou à tout le moins de rencontrer ceux qui le font encore quotidiennement est pour le moins salutaire.

Pour beaucoup de jeunes que je rencontre en région, l’emploi n’est pas seulement un salaire, voie d’accès à la consommation ou l’incarnation d’un statut social, c’est surtout une façon de pouvoir continuer à vivre à proximité de la famille et des amis. C’est aussi une façon de pouvoir habiter un endroit, un lieu qui leur est cher ou qui correspond à certaines valeurs importantes. C’est en partie pour ces raisons que l’on parle de drame lorsqu’une usine ferme ses portes en région (Résolu, Cascade, Électrolux, etc.). Et le drame est double voir triple. D’abord, il y a le choc de perdre son gagne-pain avec tout ce que cela implique puis il y a l’angoisse de devoir s’expatrier loin de son milieu de vie pour continuer à subvenir à ses besoins. Bien entendu, il s’agit d’une situation lourde de conséquences qui peut toucher chacun d’entre nous. Pour l’urbain toutefois, la probabilité de retrouver un emploi décent dans un rayon raisonnable demeure plus importante. Enfin, il y a l’impact direct sur la collectivité, par exemple l’offre de services de proximité, menacée par une spirale de dévitalisation (Via, Orléan, Post Can.).

Les dernières nouvelles entourant la fermeture de l’usine Cascades d’East-Angus et plus récemment de l’usine Résolu de Shawinigan, peuvent laisser perplexe quant à l’avenir du marché de l’emploi et de la pérennité de certaines régions. Dans un registre à peine plus positif, le ministère de l’Emploi prévoit une croissance modeste du marché de l’emploi dans le futur. Pourtant, certaines personnes, groupes ou entreprises parlent de pénurie de main-d’œuvre laissant entendre que les perspectives d’emplois sont plutôt bonnes pour les jeunes en région. Pas évident de s’y retrouver! Dans les faits, il s’agit d’une question de segmentation du marché de l’emploi en région. En effet, pour beaucoup de communautés, des besoins importants de main-d’œuvre, généralement qualifiée, se font sentir.

En réalité, on est en train d’assister à ce que certains ont qualifié de désindustrialisation, d’autres ont parlé de modernisation. Dans tous les cas, il s’agit d’une « tiercerisation » i.e. que l’économie des régions, principalement composée des secteurs primaire et secondaire, intègre de plus en plus du secteur des services. En même temps, les trois secteurs vivent une complexification scientifique ou technique qui nécessite davantage de qualifications pour faire le travail. Inutile de dire à quel point la question de l’éducation et particulièrement celle de l’éducation postsecondaire et professionnelle en région est cruciale.

Est-ce à dire que je vais rencontrer de moins en moins de ces mains terreuses, éminents pragmatiques solidement enracinés dans la réalité, dans un Québec de plus en plus virtuel??? Rien n’est moins sûr. Peut-être en nombre, mais certainement pas en qualité. Cette relation privilégiée à l’espace et au temps est certes un héritage qui se transmet de génération en génération, mais comme un bon rhume, c’est aussi quelque chose qui s’attrape dans la proximité. En attendant de tous attraper ce mal nécessaire, en fin de semaine avaient lieu les portes ouvertes de l’UPA. Des centaines d’entreprises agricoles ouvraient leurs portes pour montrer aux gens comment fonctionne une ferme, et dans certains, cas expliquer que le contenu de notre burger a déjà brouté paisiblement par ici bref, que la nourriture ne tombe pas du ciel, sauf peut-être pour les pomiculteurs.

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