samedi 5 septembre 2015

Partenariat économique Mauricie+Rive-Sud


Panel virtuel dans le cadre l’initiative Partenariat économique Mauricie+Rive-Sud organisé par  le professeur Frédéric Laurin de l'UQTR sur l'importance du regroupement et de la mobilisation des entreprises. Étienne St-Jean de la Chaire de recherche sur les carrières entrepreneuriale, moi-même, Françoise Bertrand de la Fédération des Chambres de Commerce du Québec, Michel Leblanc de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et Nicola Dotti de l'Université de Brussel.
Déploiement du Partenariat économique Mauricie-Rive Sud

https://www.youtube.com/watch?v=zZOoU-1PYQM

samedi 13 juin 2015

Le bonheur est en région?

Réflexion sur le bonheur
« Si le plaisir nous est procuré par notre corps,
le bonheur, lui, est une harmonie de toute notre personne. »
« […] le bonheur, c’est de se sentir beau dans le regard des autres. »
Albert Jacquard


Selon Statistiques Canada, il semble que les gens les plus heureux résident en dehors des grands centres urbains. Pourtant, nous connaissons tous des urbains très heureux enfin, c’est ce qu’ils disent, et des ruraux malheureux. Quelle drôle de statistique, qui, il faudra s’y faire si l’on prend au pied de la lettre les recommandations de l’ONU, sera de plus en plus utilisée, et ce, même pour orienter les décisions des États. Mais existe-t-il une définition formelle, universelle, du bonheur?

La réponse est simple. Oui! Celle «des autorités», des dictionnaires (état de satisfaction, de plénitude) et autres sources de références. Mais posons la question à mille personnes et nous obtiendrons autant de réponses que d’individus sondés. Dans les faits, on ne peut véritablement que mesurer la perception qu’ont les gens de leur bonheur. Pour certains c’est un emploi gratifiant, pour d’autres de l’argent et pour plusieurs ce sont des enfants en santé, mais c’est souvent, voire toujours, quelque chose de complexe, de multidimensionnel. En réalité, ce qui est vraiment important c’est que les gens se disent heureux, peu importe pourquoi ils le sont.

Pourquoi les gens seraient-ils généralement plus heureux à l’extérieur des grands centres? Évidemment, c’est difficile à dire!

Peut-être que les grandes villes avec leurs innombrables possibilités, dans un monde axé sur l’individu, l’immédiat et la consommation, nous obligent à choisir. Fondamentalement, quand on fait un choix on renonce en même temps à quelque chose, et il va sans dire que renoncer à quoi que ce soit n’a rien d’amusant. Alors qu’en région, l’univers des possibles semble être moins étendu, moins vaste, mais il n’est certainement pas moins «profond», on prend ce que la vie a à nous offrir.

Ainsi en région, on peut difficilement attendre les autres pour obtenir ce que l’on désire. Si l’on veut vraiment quelque chose, il faut le bâtir, le faire pousser, l’entreprendre, car il y a peu de chances que ce besoin ressenti devienne un jour une opportunité d’affaires pour un entrepreneur classique; faute de masse critique. Et en ce sens, il y a bien davantage de gratification à construire quelque chose qu’à attendre que quelqu’un vienne combler ce besoin.
Ce faisant, on doit baser notre appréciation de la vie sur d’autres paramètres, ou à tout le moins, sur d’autres incarnations. De là, l’idée d’être satisfait (qui peut facilement déraper et devenir la mesure de notre conformité en lien avec des standards préfabriqués et habilement commercialisés) peut se transformer et devenir quelque chose qui tourne autour de l’idée d’être en phase avec soi-même et avec son environnement. Une situation qui n’est pas exclusive aux ruraux, loin de là.

Peut-être que le fait d’avoir moins de possibilités (en apparence du moins) ou de distractions et le fait d’être parfois plus proche de certaines constantes, permet de se sentir davantage comme partie prenante de quelque chose de plus grand que soi et donc de se sentir rassuré, confortable, voire heureux.

De tout temps, des individus ont fait le choix de vivre en ville afin de saisir des opportunités, d’obtenir un diplôme ou de se brancher sur un autre monde et c’est certainement bien ainsi. Mais, encore faut-il courir après ces choses, alors que d’autres font le choix de prendre ce que la vie a à leur offrir. On comprend alors que l’on n’est pas maître de son temps et quand l’on comprend cela, il devient peut-être possible d’être plus zen. Encore là, il importe de dire que cet état n’est pas une exclusivité des régions, mais l’environnement socioéconomique étant, il y a peut-être quelques variables qui favorisent cette disposition.

Quelles sont ces constantes  pouvons-nous nous interroger? Sans tomber dans de grossières généralisations, il faut bien avouer que le concept de modernité plaçant l’individu au centre de la société s’est davantage affirmé dans les grands centres urbains, alors que les régions portent encore, mais pour combien de temps, des valeurs ou plutôt des savoir-être plus traditionnels. Certains diront folkloriques, voire archaïques… ce qui est faux, car ces savoir-être sont de plus en plus utiles, notamment comme balises précieuses et dynamiques pour participer activement à la modernité.

Cela dit, le rapport à l’autre à travers la famille, la paroisse, la communauté, etc., apparaît être la constante de la pertinence. L’idée que, certes, l’individu est au centre de la société pour la simple et bonne raison qu’il est la plus petite unité de mesure, il est aussi au centre dans la mesure où il sert le groupe, la société dans laquelle il évolue et qu’il demeure l’unité de pertinence, de viabilité. Implicitement, on comprend que l’individu ne peut réalistement exister sans le groupe et que le groupe ne peut exister formellement sans les individus. Le rapport de force, positif comme deux entités qui s’appuient l’une sur l’autre pour s’élever, transforme le groupe en famille, en communauté, en paroisse, etc., et l’individu en personne. Le fait d’être une personne reconnue par la communauté, plutôt qu’un numéro, avec un nom (surtout un nom de famille en milieu rural), une histoire, une couleur, doit contribuer pour beaucoup à la perception de son propre bonheur.

Le rapport au temps ou la constante de la mémoire. Ce temps cyclique qui revient de saison en saison et d’année en année. Cette conception du temps qui rappelle que l’on doit constamment recommencer le travail, qu’en prenant appui sur ce qui a été fait hier, on peut ou on doit améliorer ce qui se fera demain. Pour son propre bénéfice, mais aussi pour celui de ceux qui viendront après.  Une façon de voir les choses qui, nécessairement, milite en faveur d’un certain exercice de mémoire envers ceux (et même les événements) qui nous ont pavé la voie. Une suite logique de la première constante, la proximité et l’interdépendance des personnes portent naturellement à graver dans le temps le visage de personnes qui nous ont marqués; un temps qui en plus d’être cyclique devient personnifié et, qui n’étant pas poussé par une fuite en avant (c.-à-d. temps linéaire), laisse les choses survenir à un rythme plus lent…comme naturel. Ainsi, comprendre que son action a du sens aujourd’hui et pourra être appréciée demain doit bien contribuer à un certain bonheur. C’est là tout le sens de l’engagement de ces générations de bénévoles et de citoyens dans leur communauté, par exemple à l’intérieur des Cercles des fermières et des filles d’Isabelle chez les femmes, ou des Chevaliers de Colomb ainsi que des Optimistes chez les hommes.

Enfin, le rapport à la nature. C’est la constante de la responsabilité qui met en scène des hommes et des femmes qui comprennent que des forces bien plus puissantes qu’eux régissent leur environnement au sens propre comme au sens figuré. Les sautes d’humeur de Dame Nature en sont les plus beaux exemples, tout comme l’imprévisibilité de l’opinion publique à la veille d’une élection. Tenter de prévoir, ou pire, de manipuler ces méta éléments peut s’avérer très risqué. On comprend alors que notre sphère d’influence s’exerce à une autre échelle, plus personnelle, plus terre à terre, mais qu’à cette échelle nous avons beaucoup de pouvoir et au moins autant de responsabilités. Cette constante est le lieu de l’action, un espace ouvert à la créativité où peuvent se réaliser les plus entreprenants.

Est-ce que les gens des régions sont plus heureux que les urbains? Peut-être, mais est-ce vraiment important de déterminer lesquels sont les plus heureux? Je pense que l’on peut être heureux partout, pour peu que l’environnement dans lequel la personne évolue soit le bon. Certes, il y a en région des éléments puissants qui permettent de faire concorder son existence avec quelque chose de plus grand, mais encore faut-il avoir de l’intérêt pour autre chose que le moi, l’ici et le maintenant. Ce qui ne semble pas être la voie sur laquelle nous sommes engagés individuellement et collectivement en ce début de millénaire.


lundi 23 mars 2015

Billet sur l’immobilier en région:


L’urbanisation croissante que connaît le Québec n’a rien d’un phénomène isolé propre à notre coin de pays. Il s’agit d’une réalité historique, développée avec l’industrialisation des sociétés à partir du milieu du 19e siècle. Cependant, pour plusieurs territoires, dont le Québec, elle s’est grandement accélérée tout au long du 20e siècle, hormis une courte pause entre la grande dépression et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le phénomène s’est par la suite stabilisé autour des 80 % au début des années 1960, en particulier sous l’effet du baby-boom plus observé en milieu rural.

Stimulées par l’avènement de la société de consommation, ainsi que par une population jeune et stable, les régions à caractère rural ont aménagé leur environnement en construisant des espaces de vie adaptés à leurs besoins. Sont apparus progressivement des écoles, des arénas, des routes, des théâtres, des centres commerciaux, etc., afin de faciliter et d’agrémenter la vie quotidienne, et de créer ainsi un parc d’actifs individuels et collectifs fort appréciable pour constituer un cadre et un milieu de vie encore présents aujourd’hui.

Pour plusieurs baby-boomers, investir dans la construction et l’amélioration d’une résidence unifamiliale a longtemps été jugé comme un placement sûr et rentable dans une stratégie plus ou moins planifiée de préparation à la retraite. La propriété représente alors une part importante du patrimoine et permet au propriétaire de bénéficier d’un revenu implicite extrait de la valeur nette du logement. À cela s’ajoute, selon la Société d’habitation du Québec (SHQ), le fait que le niveau de revenu diminue considérablement lors de la retraite, alors que les coûts de loyer augmentent considérablement si l’on est locataire. « La propriété contribue donc à la sécurité financière des ménages, en particulier à leur sécurité future. À long terme, au moment de la revente, la valeur de la propriété définira la marge de manœuvre du ménage pour se reloger. [i]»

Au Québec comme ailleurs, le marché immobilier dépend majoritairement de paramètres territoriaux tels que la démographie, le marché de l’emploi, l’aménagement, les infrastructures, etc. Cependant, aujourd’hui, la réalité démographique remet en cause cet espoir d’une retraite dorée et confortable pour nos aînés, particulièrement dans les milieux ruraux.

À l’instar de l’ensemble du Canada, le taux d’achat de propriétés atteint un sommet au Québec chez les 25-39 ans, oscillant entre 4 % et 8 %[ii]. Naturellement, à l’opposé, les taux de vente explosent après 70 ans, mais, fait intéressant, en excluant cette cohorte de vendeurs. C’est chez les 30-40 ans que l’on observe les taux de vente les plus élevés, phénomène s’expliquant  par la croissance des ménages et les derniers soubresauts de mobilité des personnes. S’installe alors théoriquement un certain équilibre par lequel les jeunes ménages qui font l’acquisition d’une maison contribuent directement ou indirectement à la santé financière des aînés qui s’en départissent.

Selon les études de la SCHL et de la SHQ, une augmentation prévisible du nombre de ménages stabilisera l’écart entre l’offre et la demande pour le Québec comme pour le Canada dans son ensemble, favorisant même une légère croissance du marché immobilier au cours des prochaines années. Cependant, la taille des ménages aura tendance à diminuer passant de 2,3 personnes en 2006 à 2,1 en 2031. Causée notamment par le vieillissement des populations, cette réalité influencera la nature de la demande de plus en plus orientée vers le logement locatif ou la copropriété, ce qui fera passer la demande de propriétés individuelles (bungalow, cottage, etc.) d’un sommet entre 2006-2011 à 58 % vers un creux historique de 10 % en 2026-2031.

Par ailleurs, selon l’étude de l’ISQ réalisée pour le compte de la SHQ, il est démontré que dès 2016 la région de la Côte-Nord et, en 2026, les régions du Saguenay-Lac-Saint-Jean et du Bas-Saint-Laurent pourraient basculer dans un scénario où plus de vendeurs que d’acheteurs occuperaient le marché.

Pour les autres territoires à caractère rural, sachant que les taux d’achat sont les plus hauts dans les cohortes des 25-39 ans, un parallèle avec les derniers bilans démographiques laisse croire que l’équilibre fragile entre les cohortes de vendeurs (70 ans et plus) et d’acheteurs (25-40 ans) pourrait s’effriter plus rapidement que planifié.

L’une des pistes de solutions demeure la migration, incluant celle des immigrants qui, selon une étude de la Banque Scotia, présentent une progression du taux de propriétés supérieur à celui des Canadiens d’origine. En effet, entre 2001 et 2006, le taux de propriétés des immigrants est passé de 68 % à 72 %, soit une progression de 4 % en comparaison au 2 % sur un total de 75 % du côté des Canadiens de souche. Toutefois, selon la Fédération des chambres immobilières du Québec (FICQ), les immigrants comme les aînés ont une forte tendance à se tourner vers la copropriété[iii].

Clairement, la migration des jeunes offre des perspectives économiques intéressantes pour diverses raisons. En ce qui concerne le marché de l’immobilier, elle contrebalancerait ou du moins atténuerait l’effet du renversement de la pyramide démographique sur la revente des propriétés unifamiliales et, sur le plan financier, protègerait la valeur des investissements de nos aînés.

Par ailleurs, il s’avère qu’un marché immobilier actif et sain est particulièrement bénéfique à l’économie d’une communauté. Non seulement le secteur immobilier génère des centaines d’emplois en ville comme en milieu rural, mais chaque transaction engendre en moyenne plus de 34 000 $ en dépenses extra transaction. En 2008, les estimations établissaient les retombées attribuables à l’emménagement à plus de 2,8 milliards de dollars annuels[iv].

En résumé, si le nombre de ménages augmente dans les prochaines années, notamment en raison de l’allongement de l’espérance de vie et de l’éclatement des familles, il y aura certes un impact sur le marché de l’immobilier et le nombre de transaction. Toutefois, il convient de garder à l’esprit qu’au cours des deux prochaines décennies, la totalité des baby-boomers aura atteint l’âge de 70 ans et, à moins d’un changement dans les modus operandi, ceux-ci rechercheront davantage de logements locatifs ou en multipropriété, libérant de nombreuses maisons unifamiliales. L’effervescence due à l’augmentation du nombre des ménages n’aura donc que peu d’impact, sinon négatif, sur la valeur des maisons unifamiliales et, par voie de conséquence, sur la valeur du patrimoine des personnes âgées. Cette perspective touche particulièrement les régions non métropolitaines, car 87 % des propriétés qui appartiennent à la cohorte des 45-75 ans sont des maisons individuelles[v].

Parallèlement, en plus du vieillissement de la population, l’augmentation constante à venir du nombre de ménages mettra beaucoup de pression sur les municipalités et les promoteurs privés pour la construction et l’aménagement de logements locatifs ou en copropriété. Or, dans les régions rurales les plus excentrées, les promoteurs risquent de moins en moins à investir, et les institutions financières à les soutenir. Dans ce contexte, la SHQ suggère même de limiter la construction de nouveaux logements aux milieux en forte croissance démographique ou économique et propose d’éviter d’encourager la construction résidentielle dans les milieux qui ne sont pas déjà desservis par les services publics.

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Ma chronique du 23 février à l'émission Question d'actualité avec Jean-Philippe Trottier.




[i] SOCIÉTÉ D’HABITATION DU QUÉBEC (SHQ). « Le vieillissement de la population et le logement : exploration en banlieue », Le bulletin d’information de la Société d’habitation du Québec, vol. 5, n° 2, 2011, 16 p.

[ii] CORTELLINO, Francis, et HUGHES, Kevin. « Vieillissement de la population au Québec : se dirige-t-on vers un surplus de propriétés existantes à vendre? », dans RHEAULT, Sylvie, et POIRIER, Jean. Le vieillissement démographique : de nombreux enjeux à déchiffrer, Québec, Institut de la statistique du Québec, 2012, p. 225-231.

[iii] FÉDÉRATION DES CHAMBRES IMMOBILIÈRES DU QUÉBEC (FCIQ). « Marché de la revente et tendances démographiques au Québec », Fenêtre sur le marché, février 2010, 14 p.

[iv] FÉDÉRATION DES CHAMBRES IMMOBILIÈRES DU QUÉBEC (FCIQ). Retombées économiques de la vente et l’achat de propriétés par l’entremise du système MLS dans la province de Québec, Toronto, Ont. [préparé pour le Groupe Altus], 2009, 16 p.

[v] LEDUC, Stéphane. Les Baby-boomers et le logement. Habitation Québec, Société d’habitation du Québec, vol. 5, n°1, automne 2010, 16 p.

Billet sur la vieillesse et la mort en région

Vieillir et mourir, passage obligé sans aucun doute, seule véritable justice diront certains, mais aussi une période d’une grande richesse pour ceux qui pourront en profiter et pleinement se réaliser comme individu.

Par contre, pour la majorité des gens, en région comme en ville, vieillesse rime avec une perte de statut social, une diminution importante des revenus (mais aussi des dépenses), un effritement du réseau social et un mode de vie maintenant dépendant en grande partie de l’état de santé de l’individu. Et c’est clairement ce facteur qui a amené le Québec, avec la Commission spéciale « Mourir dans la dignité » et récemment la Cour suprême du Canada, avec son jugement sur la légalité du suicide assisté, à se questionner globalement sur la façon dont de plus en plus de Québécois et Canadiens vont vivre les derniers chapitres de leur vie.

Si, avec un peu de recul, vieillir est le terme simple pour évoquer l’appréciation du temps qui passe et la fin de l’expérience biologique, la distinction entre vieillir et mourir en milieu urbain ou en milieu rural peut paraitre bien futile. Néanmoins, pour les autorités publiques notamment en ce qui à trait à la mobilité des aînés[1] de certains milieux ruraux vers les grands centres ainsi que pour des milliers de personnes, cette distinction est fondamentale parce que liée à certaines valeurs, patrimoine, mode de vie spécifique, etc.

À priori, il est facile de s’imaginer la vieillesse et la mort en milieu rural comme une longue et triste agonie en prétendant qu’il n’y a rien en région et que nos vieux sont isolés. À l’inverse, on aurait tout aussi tort de mythifier la vieillesse en milieu rural en se référant au bon vieux temps et en s’imaginant nos aînés simplement heureux et pris en charge par leurs enfants. Évidemment, la réalité est platement plus complexe.

Vieillir et mourir, phénomène perçu :

D’abord, comme nous l’avons déjà abondamment traité, les milieux ruraux sont bien vivants et, à ce titre, en constante mutation. Oui, plusieurs les quittent, mais heureusement d’autres viennent s’y installer et parmi ces dizaines de milliers d’autres personnes, de plus en plus d’aînés viennent s’installer ou se réinstaller en campagne pour profiter de ce qu’elle a offrir[2]. Nous faisons donc face à un groupe d’aînés de moins en moins homogène et répondant à des parcours de vie tout aussi hétéroclites qui aborderont la vieillesse et la mort de façon différente.

Encore, il faut garder à l’esprit que le portrait de notre ruralité n’est pas non plus homogène. Dans les faits, il s’apparente davantage à une courtepointe où certaines communautés sont beaucoup plus avancées que d’autres sur telle ou telle question incluant la place accordée aux personnes âgées. Cependant, une réalité demeure, les communautés rurales vieillissent plus rapidement que les centres urbains ce qui représente certes une certaine opportunité, mais aussi et surtout, un réel défi.

Cela dit, au-delà de la contextualisation nécessaire et des mises en garde obligées, il apparait que l’idée de vieillir en milieu rural est perçue plutôt positivement par les principaux intéressés et particulièrement quand ils sont originaires du territoire en question ou que, s’ils arrivent de l’extérieur, ils sont issus d’un milieu socio-économique similaire.

À ce sujet, une importante étude terrain réalisée par un groupe de chercheurs français nous permet d’établir à plus de 73 % le taux de bien-être des ruraux interrogés (55 % à l’aise; 8 % heureux; 7 % bien entourés;  2 % bien intégrés). Curieusement toutefois, il semble que ce niveau de bien-être ait davantage à voir avec le fait de vivre en couple qu’avec l’âge ou la présence des enfants dans la région[3].  

Pour les ruraux d’origine ou de longue date, il faut toutefois comprendre la vieillesse et la mort davantage comme la poursuite d’un long fleuve que l’on souhaite le plus tranquille possible. À cet égard, en milieu rural, le concept de retraite nécessite certaines nuances. L’entrepreneur ou l’agriculteur mourra entrepreneur ou agriculteur à la différence qu’à un certain moment dans sa vie, il ne travaillera plus pour assurer sa subsistance, mais davantage pour assurer sa relève et/ou pour le loisir. Il s’agit de laisser la vie suivre son cours et s’éteindre, dans un milieu connu, où chacun est inscrit dans le déroulement de l’existence de la communauté depuis des générations.

Pour les nouveaux arrivants qui, de leur côté, font le choix conscient de la campagne, le vieillissement en milieu rural « […] peut être pensé positivement et revendiqué lorsqu’il repose sur une bonne intégration sociale et un ensemble de liens familiaux et sociaux qui offrent soutien et protection face aux difficultés inhérentes aux caractéristiques humaines, climatiques et géographiques de ces territoires isolés. »

Toujours selon cette étude française, la persistance d’une culture rurale (appelée culture paysanne en France) suggérant des formes spécifiques de sociabilité et de solidarité et mettant en scène une multitude de réseaux formels et informels favoriserait l’intégration des nouveaux arrivants dans la mesure où ceux-ci souhaitent s’intégrer.

Sans prétendre que les ruraux ne pensent pas à la vieillesse et à la mort, on peut certainement dire qu’ils n’y pensent pas de la même façon. Dans leur conception du temps cyclique, il n’y a pas de place pour une vieillesse et une mort qui traine en longueur; le roulement des saisons et des travaux ne les y autorise pas. Celle-ci doit donc être «éclaire». Pour beaucoup de ruraux, cette dimension de la vie fondamentalement imprévisible ne justifie pas l’anticipation.

Vieillir et mourir, phénomène vécu :

Si globalement, les gens perçoivent positivement le fait de vieillir en milieu rural, il n’en demeure pas moins qu’une certaine réalité rattrape tôt ou tard nos aînés.  Se posent alors les questions liées aux conditions de vie des aînés en région, expliquant pour certains le phénomène de l’exode des aînés vers les centres urbains. Ce phénomène contribue à la perte d’un important patrimoine vivant, à la réduction du poids démographique des régions, à un affaissement de l’économie locale ou du tissu sociocommunautaire, etc. Mais au-delà de l’impact collectif, il y a l’impact sur la personne[4]

La tragédie de L'Isle-Verte a d’ailleurs brutalement remis toutes ces préoccupations à l’ordre du jour et nous amène à jeter un œil sur la question du vieillissement et ultimement de la mort de nos aînés en terme de mobilité, de logement, d’alimentation, de sécurité et bien entendu de santé avec en filigrane les questions d’autonomie et d’isolement.

D’abord, si la question de la mobilité recoupe plusieurs autres dimensions de la vie de nos aînés, elle touche en premier lieu la personne dans sa capacité à répondre à ses besoins primaires de façon autonome. Contrairement aux grands centres, les milieux ruraux n’ont pas ou peu de transport en commun. Il devient alors plus compliquer pour ceux-ci de simplement aller faire l’épicerie ou de participer à des activités de loisirs. Évidemment, le réseau familial et social s’implique généralement pour soutenir le membre à mobilité réduite. Cependant, l’état de dépendance qu’occasionne ce genre de situation favorise parfois le repli sur soi et potentiellement une amplification du sentiment d’isolement et de détresse psychologique. Heureusement, plusieurs MRC font preuve de créativité en mettant en place des services de transport bénévole et/ou collectif, de bibliothèque mobile, des services de livraison adaptés, etc.

Intervient aussi la question du logement qui, pour plusieurs aînés, représente un important facteur de stress. Que ce soit au niveau de l’entretien ménagé ou des travaux de rénovation, les personnes âgées s’avouent fréquemment démunies  devant la tâche qui nécessairement devient de plus en plus lourde. Encore là, si la famille et les groupes sociaux (les clubs optimistes, maison de jeunes, Chevaliers de Colomb, etc.) sont appelés à jouer un rôle important, on atteint nécessairement un jour le point de rupture lorsque la personne perd progressivement de son autonomie physique ou cognitive. C’est là qu’apparait toute l’importance que l’on doit accorder à l’offre de logements adaptés et autant que possible, de favoriser les initiatives originales de logements intergénérationnels ou  de coopératives de logements communautaires[5].

Se dressent  en parallèle des enjeux du transport et du logement, les questions de la sécurité et de l’alimentation de nos aînés. Si la tranquillité et la proximité de la nature associées à la vie en région étaient et demeurent des facteurs attractifs, il faut garder à l’esprit que les besoins des personnes évoluent avec le temps. Ainsi, il ne s’agit plus de se préoccuper simplement d’une présence policière minimale, de la présence de rampes d’accès dans les édifices publics ou celle d’un commerce d’alimentation et pour ce faire de s’en remettre aux autorités municipales. Dans les faits, et cela ne peut se réaliser qu’avec le soutien d’une communauté mobilisée, il faut être davantage proactif en mettant sur pied par exemple des réseaux de vigie communautaire, des services d’inspection résidentielle, des popotes roulantes, visites à domicile de nutritionnistes, etc. Ce que beaucoup de communautés à caractère rural ont entamé (voir site du réseau des municipalités amis des ainés).

Enfin, et c’est peut-être là le plus grand des défis d’une ruralité vieillissante, plusieurs communautés investissent temps et énergie afin d’assurer aux aînés un accès et des soins de santé et des services sociaux adaptés. Ainsi, au-delà de ce qui peut généralement être attendu du système québécois de santé, plusieurs communautés rurales développent des services en lien avec la réalité des milieux ruraux comme des professionnels itinérants et des initiatives visant la prévention (accident, premiers soins, santé).

Par ailleurs, et c’est en définitive le volet qui nous semble le plus représentatif, on assiste à la naissance ou au développement de plusieurs maisons de fin de vie, fréquemment parrainée par des fondations communautaires. Elles sont parfois physiquement intégrées à un CHSLD, à un hôpital ou à une résidence privée et prodiguent des soins axés non pas sur le curatif, mais plutôt sur le confort de la personne en fin de vie et des membres de la famille et de la communauté qui l’entourent.

Bien entendu, ces lieux ne remplacent pas l’idéal des personnes âgées en milieu rural qui est de mourir à la maison. À ce sujet, on se rappellera que les ruraux sont très attachés à leur propriété dont ils sont propriétaires à plus de 80 %. Toutefois, ces maisons de fin de vie tentent de reproduire le confort de la maison familiale notamment pour favoriser l’accompagnement de la famille dans les dernières semaines de vie de l’aîné.

En définitive, il apparaît que vieillir et mourir en milieu rural est perçu positivement par les ruraux eux-mêmes, et dans ce cas-ci c’est leur opinion qui compte vraiment. Par contre, il existe bien un certain nombre de facteurs qui, en comparaison avec les grands centres urbains, font du  vieillissement en milieu rural un réel défi. Cependant, encore là, la présence d’une culture de solidarité (obligée ou non) favorise la prise en charge collective de certains de ces défis afin de faire de ce passage obligé, une nouvelle fois l’expression du sens accordé à une personne, un acteur contributeur de la communauté.


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Ma chronique du 9 mars à l'émission Questions d'actualité avec Jean-Philippe Trottier


[1] http://www.ciqss.umontreal.ca/Docs/Colloques/2012_ACFAS/2012_ACFAS_Lachance.pdf http://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/prin/coco/loaica/loaica_vol_001/loaica_vol_001_008.cfm[2] http://www.lesaffaires.com/archives/generale/des-regions-de-retraites/551803 [3] https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00371194/PDF/vieillir_en_milieu_rural.pdf [4]http://www.agencelanaudiere.qc.ca/ASSS/SantePublique/DejeunerCauserie/Projet%20Vieillir%20dans%20sa%20communaut%C3%A9.pdf [5] http://www.csss-iugs.ca/c3s/data/files/Maisondesaines_VF_Revisee_16%20juillet%202012.pdf



mercredi 11 février 2015

Billet sur la propriété des terres au Québec

Depuis déjà quelques années, on entend périodiquement parler de spéculation sur les terres agricoles du Québec ou de l’achat de ces mêmes terres par des investisseurs étrangers. L’enjeu rallie la majorité des Québécois, comme s’il y avait là quelque chose d’illégal, d’immorale et pire encore comme s’il y avait eu agression physique de la nation québécoise. L’image est forte, j’en conviens, comme le sentiment que certains d’entre nous ont pu ressentir quand on nous a laissé sous-entendre en 2010, que des investisseurs chinois achetaient des terres dans la région de St-Hyacinthe; parmi les meilleurs du Québec, afin d’assurer, entre autres, l’approvisionnement de la Chine en denrées alimentaires.
Or, quelques études sérieuses dont l’une en provenance de chez Desjardins ont démontré depuis qu’il n’y a pas vraiment de mouvement organisé visant l’achat de terres par des étrangers au Québec. D’abord, rappelons que bien que le Québec dispose d’un très vaste territoire, la superficie de terre cultivable est plutôt limitée. De même, mentionnons que, pour beaucoup, les terres cultivables du Québec sont déjà exploitées à plein régime. Donc pas vraiment de plus-value significative de ce côté et en plus, elles ne le sont que quelques mois par année. Ainsi, les investisseurs recherchant ce type de placement auraient avantage à regarder plus au sud où les terres de plus grande superficie peuvent être exploitées douze mois par année, comme le fait d’ailleurs la Caisse de dépôt et placement du Québec aux États-Unis et au Brésil.
Par ailleurs, l'achat d'une terre agricole à des fins d'investissement par un non-résident est plutôt bien encadré, notamment à cause de la Loi sur l'acquisition des terres agricoles par les non-résidants. Ainsi, une personne n'ayant pas résidé 365 jours au Québec au cours des 24 mois précédant immédiatement la date d'acquisition d'une terre agricole ne peut être admissible à l'achat d'une terre à moins d'obtenir une dérogation de la Commission de protection du territoire agricole.
Selon une autre étude proposée par le Centre de recherche en analyse des organisations (CIRANO)[1], le Québec serait donc épargné par le phénomène de l'accaparement des terres par des non-producteurs, souvent appelé land grabbing, qui touche fortement l'Afrique depuis 2008. Sur ce continent, les investisseurs considèrent que les terres fertiles sont non exploitées ou sous-exploitées. Donc, leur potentiel de rendement est haut à moyen et long terme. D'autres facteurs rendent les terres très intéressantes pour les investisseurs, comme l'augmentation de la population, la pression sur les ressources naturelles, la montée des biocarburants et les faibles rendements des marchés boursiers. Résultat: les terres sont de plus en plus convoitées.
Plus récemment, c’est la question de la spéculation ou l’acquisition de terres par des non-exploitants qui a fait les manchettes. D’une part, alors que les grandes villes, dont Montréal veulent densifier leur zone urbaine, les taux intérêt relativement bas permettent à de plus petites municipalités d’attirer de jeunes familles en quête d’une première propriété pour assurer la survie de la communauté. Le phénomène d’étalement urbain ainsi alimenté a entre autres suscité l’intérêt de fonds d’investissement pour les terres appelées à être dézonées pour répondre à la demande immobilière. http://tvanouvelles.ca/lcn/economie/archives/2012/08/20120824-194953.html
D’autre part, comme c’est déjà une pratique très courante en Europe et aussi de plus en plus aux États-Unis et dans l’Ouest canadien, on voit apparaitre des entreprises dont le modèle d’affaires repose sur la profitabilité de la location de terres à des agriculteurs traditionnels ou sur la production à grand volume de denrées destinées à l’exportation. C’était par exemple le cas au Lac-Saint-Jean, avant 2012, alors que la Banque Nationale, qui possédait près de 5000 hectares, était impliquée dans ce genre d’entreprise avec quelques partenaires. La nouvelle avait soulevé un tollé et l’institution financière a par la suite annoncé qu’elle cesserait ce genre de projet. Ainsi, les rendements anémiques des marchés financiés encore associés aux bas taux d’intérêt, ont amené les investisseurs à considérer le secteur des terres agricole comme des placements profitables et, pour différentes raisons socioéconomiques, très stables.
Évidemment, le phénomène de la hausse du prix des terres agricoles ne se limite pas à l’acquisition de terres agricoles par des sociétés opérantes, des promoteurs immobiliers ou des sociétés d’investissements spéculatifs ou non. Il y a aussi l’évolution du secteur agricole lui-même dans toute sa complexité. Selon Meloche et Debailleul, auteurs de l’étude du CIRANO : « La hausse du prix des terres agricole est surtout stimulée par la confiance des agriculteurs qui veulent profiter d’une amélioration de leurs bénéfices nets pour prendre de l’expansion ». De la même façon, l’intérêt des investisseurs ne touche pas toutes les régions de la même façon et dans les mêmes proportions.
Cependant, ce qui apparait comme une constante, c’est la problématique de la grosseur des fermes et la possibilité pour la relève de faire l’acquisition des actifs nécessaires pour atteindre la rentabilité. En effet, s’il s’avère que les terres agricoles se transigent très majoritairement entre agriculteurs, il apparait aussi que ces mêmes agriculteurs sont prêts à mettre le prix pour faire l’acquisition de terres à proximité de leurs infrastructures et équipements. L’intérêt évident est de rentabiliser et d’optimiser ces actifs. L’envers de la médaille est que la jeune génération ne dispose absolument pas des mêmes leviers financiers pour concurrencer les agriculteurs établis.
Parmi les impacts suggérés de la flambée du prix des terres et de l’expansion de la taille moyenne des fermes, le plus récent recensement agricole démontre que le nombre d’agriculteurs de moins de 35 ans est en baisse alors que la part des plus de 55 ans est en croissance. En effet, l’âge moyen des exploitants est passé de 49,3 ans à 51,4 ans entre 2006 et 2011. Comme dans le secteur manufacturier, la problématique se résume à une question de rentabilité. Évidemment, dans le cas de successions familiales, des aménagements parents-enfants sont possibles et, toujours selon le CIRANO, peuvent aller jusqu’à des dons de 50%. Le défi demeure entier pour les transferts non apparentés.
Cela dit, quand on s’intéresse un minimum à ce secteur et à la chose elle-même c’est-à-dire la terre, on réalise plus que jamais que les ruraux ont une relation intense, voire viscérale, à la terre. Pour reprendre les mots d’un journaliste du Bulletin des agriculteurs, il est clair que le Québec est une terre de propriétaires. http://www.lebulletin.com/actualites/le-quebec-terre-de-proprietaires-44160
Dans les faits, la crise alimentaire de 2008 a exacerbé cette sensibilité. D’un peu partout dans le monde nous provenaient des échos à propos de millions d’hectares de terres agricoles vendues à des étrangers (le cas de l’Afrique vs la Chine) ou de cultures détournées vers les biocarburants aux États-Unis et au Brésil. Au Québec, nos agriculteurs tirent une très grande fierté et clament haut et fort qu’ils nourrissent le Québec. Paternalisme archaïque? Absolument! N’en déplaise à nos amis agriculteurs, l’alimentation est devenue une industrie de classe mondiale sans cœur et sans âme; dommage. Cela dit, quiconque ayant fait l’expérience de la terre un tant soit peu, rural ou urbain, propriétaire ou villégiateur pourra témoigner de cette relation complexe, émotive, presque charnelle qui s’installe entre la personne et le coffre au trésor devant lui, et ce, avec aussi peu que 3 acres de terre; tout juste deux terrains de football. Pour les ruraux, comme je le mentionnais dans un billet précédent, dans ce cas-ci c’est encore plus vrai, c’est une question de distance réduite entre le sujet et l’objet. 
Cela explique-t-il pourquoi, au Québec, les terres agricoles appartiennent encore très majoritairement aux agriculteurs? En réalité, le taux de propriétés des agriculteurs québécois est nettement plus élevé que dans la plupart des pays européens, ainsi qu'aux États-Unis et dans les autres provinces canadiennes.
Quant aux investisseurs non agricoles, ils ne détiennent que 2 % des terres québécoises; la proportion restante est entre les mains de fermiers à la retraite, de villégiateurs ou de résidants locaux. L’étude du CIRANO commandée par le gouvernement Charest en 2012 témoigne donc du fait  que le Québec est loin d'une prise de contrôle de ses terres par ses financiers. Et quand c’est le cas, les non-exploitants louent généralement leurs terres à des agriculteurs locaux. L’exemple de la Banque Nationale mentionné précédemment est éloquent; cette dernière a abandonné son projet de culture à grande échelle pour procéder à la location de ses terres à des agriculteurs locaux. Mais même ce modèle fait sourciller; au Québec on aime être propriétaire.
Les plus récentes données tirées du recensement de 2011 colligées dans : Données sur les exploitations et les exploitants agricoles soulignent qu’à l’échelle du Canada, 61,5 % des terres agricoles sont exploitées par leur propriétaire[2]. « En proportion de la superficie agricole totale, les terres possédées sont en baisse constante à chaque recensement depuis 1976 », peut-on lire dans un rapport sur le Recensement de l’agriculture en 2011.
Toutefois, au Québec, le portrait est différent. Sur les 3,3 millions d’hectares en culture, 84 % sont exploités par leur propriétaire et 16 % sont loués des autres. Il mentionne de plus qu’entre 2006 et 2011, ces proportions n’ont à peu près pas changé.
En Ontario, on fait état de 70 % de propriétaires pour environ 29 % de terres louées.
Aux États-Unis, le portrait de la propriété des terres varie d’un état à l’autre. Selon le service de recherche du USDA, la proportion des terres en location à l’échelle du pays a connu une lente progression pour atteindre un sommet de plus 40 % en 1992. Depuis, cette proportion a chuté à 38 % (données de 2007) de terres détenues par des « non-operating landowners » (propriétaires non exploitants).
Avec ces données, on peut apprécier, à quel point les Québécois sont différents. Est-ce que les ruraux de la province ont une relation mystique privilégiée avec la terre? En réalité, je suis loin d’être certain que les fermiers de l’Iowa ont une relation désincarnée avec la terre qu’ils exploitent. Il faudrait probablement chercher du côté de la petitesse de notre marché et de notre industrie agricole qui au cours des décennies ont mis les terres du Québec à l’abri des grands propriétaires locateurs; permettant ainsi la poursuite de l’histoire d’amour.

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Ma chronique du  26 janvier à l'émission Question d'actualité avec Jean-Philippe Trottier sur 91,3 FM.